/// Les origines de la Réforme en Béarn
Au XVIe siècle, le Béarn jouit d’un statut particulier : c’est une vicomté souveraine, c’est-à-dire un État indépendant. Marguerite d’Angoulême, l’épouse du souverain Henri II d’Albret, et sa fille Jeanne d’Albret ont joué un rôle prépondérant dans le développement de la Réforme en Béarn. Marguerite est sensible aux changements de son temps ainsi qu’aux idées nouvelles. Tout en demeurant catholique, elle entretient une correspondance avec Jean Calvin. Jeanne d’Albret hérite du pouvoir en Béarn à la mort de son père en 1555. De plus en plus attirée par les idées de la Réforme, elle franchit le pas le jour de Noël 1560, en prenant la Cène sous les deux espèces en l’Église Saint-Martin de Pau. Elle s’emploie alors à gagner les Béarnais à la nouvelle religion. En 1566, elle installe à Orthez une académie protestante qui sera transformée en université par son fils Henri en 1583. Pierre Viret, ami de Calvin, arrive alors en Béarn, appelé par Jeanne d’Albret pour conduire la réformation. En 1569, le Béarn est envahi par les troupes catholiques françaises et navarraises, qui reçoivent l’aide de quelques catholiques béarnais. Après avoir reconquis le Béarn, Jeanne d’Albret en profite pour bannir le catholicisme de la vicomté. En 1571 le protestantisme devient la religion officielle du Béarn.
/// Henri IV et le protestantisme
Henri de Navarre succède à sa mère, Jeanne d’Albret, en 1572. De confession protestante comme elle, il prend la tête du parti huguenot français. A la mort du roi Henri III, il devient l’héritier de la couronne de France mais, pour accéder au trône, il doit se convertir au catholicisme. Devenu Henri IV de France, il négocie puis impose en 1598 l’édit de Nantes en faveur des protestants et pacifie ses territoires après 36 ans de guerres civiles. L’année suivante, il promulgue l’édit de Fontainebleau qui autorise le catholicisme en Béarn. En son absence, c’est sa sœur unique Catherine de Bourbon qui occupe la régence du Béarn, toujours indépendant. A la différence de son frère, elle reste calviniste.
/// Vers la Révocation de l’édit de Nantes et la clandestinité
En 1620, Louis XIII, fils d’Henri IV, impose l’union du Béarn à la France. Il rétablit le catholicisme béarnais dans ses édifices et ses biens, confisqués par Jeanne d’Albret après les troubles de 1569. En 1685, Louis XIV interdit définitivement le protestantisme en révoquant l’édit de Nantes. En Béarn, dès 1668, le nombre de lieux de culte avait été réduit. Pour échapper aux persécutions, notamment aux dragonnades, de nombreux huguenots fuient vers les pays dits du Refuge (Allemagne, Angleterre, Hollande, Suisse, Amérique du Nord…). Néanmoins, la majorité des protestants béarnais préfère rester. Ils continuent leurs pratiques religieuses dans la clandestinité, d’abord au sein de la famille puis dans des « assemblées au Désert », après 1760 avec l’arrivée d’un pasteur languedocien, Étienne Deferre.
/// Persécutions et reconnaissance
Quand les protestants sont surpris lors de ces assemblées, les pasteurs sont pendus, roués ou brûlés, les hommes sont condamnés aux galères et les femmes emprisonnées ou envoyées au couvent pour les plus jeunes. En 1787, l’édit de Tolérance de Louis XVI permet aux non catholiques de bénéficier d’un état civil. Ce n’est qu’à la Révolution, en 1789, qu’ils obtiennent la liberté de conscience grâce à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Le temple de l’Église réformée d’Orthez, inauguré le 25 novembre 1790, est alors le premier à être reconstruit en France.
/// Le renouveau des Églises
Le XIXe siècle est marqué par la réorganisation des structures religieuses de France. De véritables « dynasties » de pasteurs se forment, à l’image des familles Cadier, Nogaret, Bost, Frossard… qui participent à la reconstruction des Églises protestantes. Désirant régler la question religieuse, Napoléon Bonaparte signe un concordat avec le pape en 1801. L’année suivante, il promulgue les articles organiques qui donnent une existence officielle et définitive au protestantisme. Des temples sont construits et Orthez devient la capitale de la circonscription (le consistoire) qui regroupe les Églises des Basses-Pyrénées et des départements voisins. En 1832, le pasteur Jaques Reclus, fédère les groupes indépendants qui sont issus du mouvement de Réveil autour d’Orthez. Ainsi naît l’Église évangélique libre, une Église indépendante de l’État. L’épouse de Jacques Reclus, Zéline, ouvre un peu plus tard à Orthez la première école pour jeunes filles. Leurs cinq fils, Élie, Élisée, Onésime, Armand et Paul, connaitront une renommée nationale, voire internationale pour certains, dans divers domaines scientifiques (géographie, médecine, etc…).
/// Protestantisme et laïcité
A cette époque, la communauté protestante se rallie à l’enseignement public et laïc que la troisième République met en place. Félix Pécaut, natif de Salies, collaborateur de Jules Ferry, a été Inspecteur Général de l’Enseignement Primaire avant d’organiser l’École Normale Supérieure d’Institutrices de Fontenay-aux-Roses en 1880. Pauline Kergomard, née Reclus, a reçu à Orthez les enseignements de sa tante Zéline Reclus (l’épouse du pasteur). A la demande de Jules Ferry, elle participe à la transformation des salles d’asile en écoles maternelles.
/// Évangélisation et missions
Dans la première partie du XIXe siècle, le protestantisme européen voit naître de nombreuses sociétés de Missions. Eugène Casalis, né à Orthez en 1812, est l’un des premiers envoyés. Missionnaire durant 23 ans au Lesotho, il dirige ensuite la Société des Missions Évangéliques de Paris pendant 25 ans. Comme tous les pays européens, l’Espagne a été touchée par la Réforme au XVIe siècle, mais le mouvement a été stoppé brutalement par l’Inquisition. Trois cents ans plus tard une « seconde réforme » s’organise. Les tribulations de l’évangéliste Manuel Matamoros, emprisonné puis banni, illustrent bien les difficultés rencontrées par ce renouveau évangélique. Au début du XXe siècle, une importante population espagnole vient s’implanter en Béarn, notamment pour travailler dans l’industrie textile et sandalière puis, plus tard, sur la ligne de chemin de fer reliant Pau à Canfranc. Albert Cadier œuvre à l’évangélisation de cette communauté et crée la Fraternité d’Oloron en 1912. Fort de cette expérience, il fonde alors la Mission Française du Haut-Aragon qui développe une action religieuse et scolaire outre Pyrénées.